Le Pleyel démontable dit ‘’Passe partout’’

C’est le petit dernier du musée, il nous arrive de la région parisienne, en bon état, il date de 1884 (n° 87021). Construit sur la base du pianino (le petit modèle n° 7, éprouvé s’il en est), il entre dans la droite ligne des pianos spéciaux qu’a pu développer la maison Pleyel, en plein essor industriel, au milieu de certainement la plus florissante période de notre facture. Pour n’évoquer que quelques exemples, rappelons quelques autres de ces bizarres, quasiment oubliés aujourd’hui : le piano Yacht, le double, le Pleyel scolaire, le piano pédalier, celui pour compositeur, etc…

Rappelons aussi, et plus sérieusement, qu’en ces temps bouillonnants furent enfin admis (jusqu’à se banaliser) les principes majeurs de notre fabrication moderne, je veux parler bien sûr du cadre en fonte coulé d’une seule pièce et du principe des cordes croisées.

Mais revenons vite à nos moutons pour vous parler de ce petit piano droit, justement appelé ‘’Passe partout’’. Comme son nom l’indique, il était prévu pour voyager dans les contrées les plus perdues et souvent inaccessibles de notre planète, sauf aux hommes à pied aidés d’animaux de portage, des mulets. Cette production a duré une cinquantaine d’années, de 1860 jusqu’à la première guerre mondiale (les premiers brevets relatifs aux pianos démontables datent de 1855).

Démonté, l’instrument remplissait 4 caisses en bois, les deux plus gros morceaux étant bien sûr ceux concernant la structure harmonique. Cette dernière était construite sur le principe du cadre serrurier (cadre bois, cordes, obliques, renforcé par des barres et plaques de métal boulonnées et entretoisées), plus tard ce seront deux demi-cadres fonte (cordes droites obligent) également. Cela influait évidemment sur le poids, on peut considérer que chaque colis représentait celui d’un homme (de 70 à environ 100 kg).

Les dimensions pouvaient varier très légèrement d’une année sur l’autre, mais nous restons toujours dans la logique de petits modèles, les plus légers possible (le notre fait : L – 136, H – 1,17, P – 66 cm). Je ne pense pas qu’il atteigne les 200 kg. Le meuble est en palissandre, il se faisait aussi en acajou verni et en noir. Le couvercle est mobile, à glissière (Je me souviens quand, bien plus jeune, je m’apprêtais à accorder un passe partout sans le savoir : c’est en prenant normalement appui sur le couvercle que j’ai vu ce dernier bouger. Il n’en fallait pas plus pour titiller ma curiosité, c’est ainsi que je découvrais ce piano original). Le bloc clavier (7 octaves, ivoire/ébène)-mécanique, à part le fait qu’il soit lui aussi scindé en deux, n’a rien de particulier, la fabrication maison est irréprochable. Les deux parties du chapiteau d’étouffoirs (au dessus de la mécanique, photo n° 6) voient leur tenue renforcée par une plaque rectangulaire en métal enchâssée dans le bois. Les accessoires sont les mêmes que la production habituelle (poignées, roulettes mobiles, etc…).

Jean Jacques Trinques

Piano droit Pleyel
N° 87 021
Année 1890
Meuble Palissandre
Particularité divisible en deux parties dans le sens de la hauteur
N° d’inventaire E.2021.4.1