Facteurs de pianos et rues de Paris
Il n’est que de visiter notre belle France pour découvrir, aux carrefours de nos riantes rues et avenues, quantités de noms liés à la musique ; mais celles-ci, relèvent presque toujours de la composition musicale. Et ô ingratitude, pas le moindre petit facteur de pianos à l’horizon ! Ce qu’on peut qualifier de certaine frustration se réveilla en moi quand, récemment, je « montais » à la capitale en train, et que machinalement je me mis à feuilleter mon plan de Paris, m’amusant à chercher quelques rues, places et même (sans trop rêver toutefois !) avenues, dédiées à nos chers facteurs…
Après tout, n’y eut-il pas et n’avons-nous pas les salles de concert Pape, Herz ou Erard, Gaveau et Pleyel ? Alors, curieux, fouinons… Je n’eus pas à chercher longtemps ; je dénichais trois voies dédiées à Henri Pape, Sébastien Erard et Camille Pleyel. Je pense qu’à la réflexion, je n’aurais espéré meilleur tiercé.
Il est possible que ces trois rues aient été ouvertes et classifiées à la même époque, à l’occasion d’aménagements nouveaux, car elles sont situées à peu de distance l’une de l’autre et dans un quartier qui explosa à la fin du XIXè siècle (12è et 13è arrondissement). Certes, ce ne sont pas de belles et grandes avenues arborées, mais qu’importe, nous apprécions là à sa juste valeur une certaine reconnaissance de nos anciens envers des facteurs de pianos.
La rue Erard (1752-1831), près du boulevard Diderot se situe entre les rues de Charenton et de Reuilly. Elle fait environ 300 mètres. Une tour y porte le nom d’Erard.
La rue Henri Pape (1789-1875) fut ouverte en 1885 près de Tolbiac et de l’avenue d’Italie. Elle portait, à l’origine, le nom d’un certain Edmond Valentin. La dénomination actuelle date de 1897 et son classement, alignement et numérotation de mars à mai 1910. Elle mesure 145 mètres de long sur 12 de large, commence au 18, rue Domesme et rue E. et H. Rousselle. Elle finit 3, place de l’Abbé Georges Hénocque.
La rue Pleyel (Joseph, Etienne, Camille, 1788-1855) est encore plus courte. Elle ne mesure que 75 mètres de long sur 13 de large. Précédemment rue du trou à sable, auparavant on l’a appelée aussi rue des trois sabres (Sûrement avons-nous là un joli dérapage linguistique !). Elle est déjà indiquée sur le plan de Jaillot en 1772. Cette voie s’étendait autrefois jusqu’à la rue de Reuilly. Le tronçon compris entre la rue de Reuilly et Dugommier a été supprimé lors de l’ouverture de l’avenue Daumesnil. Au droit des n° 1 à 7, elle formait une place triangulaire convertie en rue de 13 mètres de largeur à la même époque. Numérotée en 1878, nivelée en 1885, elle portera le nom du plus illustre de nos facteurs de pianos à partir de 1890.
Puis, poussé par la curiosité je suis allé un peu plus loin, en banlieue, je me suis évidemment tourné vers Saint-Denis où se trouve le célèbre carrefour Pleyel ainsi que la place des Pianos. La rue Pleyel n’est pas loin, en voici un petit historique :
Son appellation actuelle ne date que de 1906. Auparavant c’était le chemin de la Marée, puis des Marchandises, et surtout le chemin des Poissonniers. Il serait plus ancien que la voie romaine, mais la première mention du tracé date de 1307. Ces différentes appellations trouvent leur origine à travers l’activité commerciale de la région. Du port de Seine près de Saint-Denis jusqu’aux halles de Paris, on transportait poissons et fruits de mer par cette voie pour éviter les méandres de la Seine et quelques péages. Chemin des Poissonniers, porte des Poissonniers, faubourg des Poissonniers, boulevard Poissonnière sont, à travers le temps qui passe, quelques dénominations qui rappellent le cheminement lié à cette activité.
Jean Jacques Trinques